L’affaire Merah 2 est bouclée, la cour d’assises spéciale de Paris a rendu son verdict le 2 novembre 2017 : le grand frère, qui aurait influencé idéologiquement le jeune Mohammed, a pris 20 ans de prison. Il était défendu par le ténor du barreau Éric Dupond-Moretti.
En l’absence de Mohammed, la socioculture avait besoin d’un exemple. Alors elle a frappé fort, même si Abdelkader Merah n’a tué personne et n’a pas été reconnu coupable de complicité dans les meurtres de Toulouse et Montauban de mars 2012. Il tombe néanmoins, avec Fettah Malki qui prendra 14 ans pour avoir fourni gilet pare-balles et pistolet-mitrailleur, pour « association de malfaiteurs terroriste criminelle »
Certes, Abdelkader est un islamiste enragé, qui n’a jamais renié ses convictions antisionistes. C’est visiblement ce qui lui était reproché, ainsi que son défaut de regrets (à l’image de sa mère) pour la mort des militaires français et des enfants avec leur père dans l’école juive. Mais que s’est-il vraiment passé en mars 2012 ? On ne sait toujours pas qui était vraiment Mohammed, car les témoignages sont contradictoires à son sujet. Son CV plus ou moins trafiqué mêle informations et rumeurs au point que toute vérité en devient inextricable.
Pour les uns c’est bien lui qui, armé d’un colt 45 et d’un PM mini-Uzi a assassiné en filmant ses forfaits à la Go-Pro toutes les 7 victimes ; pour les autres, il s’agirait d’un professionnel dur et froid, trapu et musclé, au moins pour l’un des assassinats de militaires, sans oublier une possible présence d’Abdelkader pour la mort du parachutiste d’Imad Ibn Ziaten.
Mohammed Merah, « connu » des services de renseignement, pantin de son officier traitant, affublé d’une « légende » à peine croyable pour un jeune en perdition, a fini abattu dans son appartement le 22 mars 2012 par les hommes du RAID.
On rappelle le contexte de l’affaire : nous sommes en pleine campagne électorale, le président sortant Nicolas Sarkozy durcit le ton pour essayer de prendre des voix au FN. Cinq ans auparavant, il a été élu confortablement sur le thème de l’insécurité. Mohammed Merah surgit dans l’opinion et provoque un émoi national avec ces meurtres inexpliqués, et inexplicables. Quant à l’assaut, il posera aussi question (source Wikipédia) :
Le 22 mars 2012, après un siège de 32 heures, l’assaut est donné à 10h30. Le RAID investit l’appartement pièce par pièce en s’assurant qu’il n’est pas piégé d’explosifs. À 11h25, le RAID commence à percer le mur de la salle de bains pour envoyer le gaz lacrymogène. Les dégâts de l’assaut de la nuit précédente y ont provoqué une fuite d’eau atteignant un niveau de 30 centimètres. À ce moment-là, Mohammed Merah surgit de la salle de bains, revêtu d’un gilet pare-balles de la police, d’une djellaba noire et d’un jean et monte à l’assaut. Plus de 300 coups de feu sont échangés dont 30 tirés par le terroriste, mais un tiers des hommes du RAID a vu son arme s’enrayer. Merah tente de s’échapper par son balcon en tirant sur des membres du RAID qui sont, eux aussi, passés par le balcon à l’aide d’échelles pour lui bloquer cette ultime issue. C’est à cet instant qu’il est finalement mortellement atteint à la tête par un tireur d’élite posté à l’extérieur du bâtiment.
Au total cinq policiers sont blessés. La durée excessive du siège d’un homme seul et sans otages ainsi que le mode opératoire de l’assaut et en particulier l’absence d’utilisation de gaz font l’objet d’une polémique. Christian Prouteau, fondateur et ex-commandant des forces spéciales du GIGN, s’interroge : « comment se fait-il que la meilleure unité de la police ne réussisse pas à arrêter un homme tout seul ? Il fallait le bourrer de gaz lacrymogène à très haute dose (« incapaciteur » respiratoire). Il n’aurait pas tenu cinq minutes. » Christian Prouteau s’étonne également que l’immeuble n’ait pas été évacué avant l’assaut car Mohammed Merah aurait pu le faire exploser : « habituellement, on évacue les voisins avant. En fait, je pense que cette opération a été menée sans schéma tactique précis. C’est bien là le problème. »
Au-delà de la guerre des polices entre RAID et GIGN, on notera la présence du président de la République Nicolas Sarkozy, arrivé dans la caserne des gendarmes située à 100 mètres de l’appartement de Merah... Un Sarkozy coutumier du fait puisqu’il était aussi présent en tant que maire de Neuilly lors de la négociation pour la rédition de Human Bomb (qui finira abattu dans son sommeil), et surtout lors des interminables négociations – un dangereux marchandage – lors de l’enlèvement d’Ilan Halimi en mars 2006, un an avant son élection. Des affaires qui finiront toujours par l’élimination du suspect, engloutissant la vérité et faisant surgir d’éternelles questions.
Voici les explications du défenseur d’Abdelkader Merah, maître Dupond-Moretti reçu le 3 novembre 2017 dans l’émission de Nicolas Demorand sur France Inter :
Et voici la réaction de Latifa, mère d’un des soldats abattus, Imad Ibn Ziaten :
#Merah "Je ne baisserai pas les bras car mon fils est mort debout, arrêtez d'être naif il faut se réveiller" Latifa Ibn Ziaten #24hPujadas pic.twitter.com/0Kg6vCuDFV
— 24h Pujadas (@24hPujadas) 2 novembre 2017
Puis celle du frère d’Imad :
"Mon frère, on ne va plus le retrouver. Imad est mort debout, tel un vrai militaire, qui a honoré la France. Là, on l'a déshonoré" #Merah pic.twitter.com/hOMKiCumnq
— LCI (@LCI) 2 novembre 2017
Le droit est passé, l’affaire est close, même si les deux condamnés vont probablement faire appel. Une question demeure : pourquoi les 7 victimes ont-elles été assassinées ?